Gérald Darmanin (04:30)
Et elle nous entraîne avec lui dans l'abîme. Comme tous les gendarmes, le sous-officier Eric Comyn faisait son travail, Sa vocation quotidienne au service des Français, comme un curé de campagne, discrètement, ferait la sienne, loin de tout, comme un médecin prendrait, dans l'habitude des jours qui se suivent, son tour aux urgences de l'hôpital du coin. Ce jour-là, geste mille fois répété, il s'engage avec ses camarades dans un contrôle motorisé. Avec la police municipale de Moujain, Un poste de contrôle est mis en place sur la route 62-85, un contrôle comme on en fait plein, un contrôle comme on en fait tous les jours. Ces contrôles, on les compte par milliers, Par milliers dans la vie. Des militaires du ploton motorisés demandent de lieu. On y arrête toutes sortes de véhicules: ceux qui n'ont pas les bons papiers, ceux qui ont les pneus lisses, ceux dont on s'aperçoit qu'ils sont trop fatigués pour prendre la route, ceux qui utilisent d'alcool et de plus en plus la drogue pour paradis artificiel et qui se mettent en danger, mais surtout qui mettent en danger les autres. Dans sa vie de gendarme, Eric Comine a sauvé des milliers de vies, d'abord comme gendarme mobile au milieu de la violence, la violence des foules, mais aussi celle des trafiquants- puis comme gendarme de brigade, en proximité, au milieu du peuple français que les gendarmes servent tant, et désormais au ploton. Il a su arrêter à temps l'aspirin infernal du conducteur Yvres, qui a terminé sa nuit au poste plutôt que de s'encastrer dans le véhicule d'une famille. Il a su arrêter le chauffard qui roulait à très grande vitesse- des vitesses folles, folles comme la mort- et qui n'a pas croisé les enfants qui partaient en vacances. Parce qu'il a donné mille conseils aux automobilistes qui, malgré le procès verbal, peuvent lui rendre grâce d'avoir changé leurs pneus, leurs phares, avoir mis leur ceinture de sécurité. Des personnes qui, sans lui, auraient peuplé sans doute les cimetières et auraient fait tant d'orphelins. Ainsi, comme au piano, le gendarme de France répète sans cesse les mêmes gestes pour protéger, pour servir, pour rendre le monde meilleur. Un chèque contrôle routier banal, répétitif, lassant peut-être. Ce sont des vies qu'on sauve. Sans doute Eric Comine a-t-il sauvé plus de vies que le médecin aux urgences, a-t-il sauvé plus d'âmes que le curé de campagne dans sa paroisse ? Nul ne le sait et nul ne le saura vraiment, même pas lui